• De la beauté, de Zadie Smith

    "Comme ils s'étaient aimés ! Bien sûr, nous croyons tous être amoureux à vingt ans; mais Howard Belsey avait sincèrement continué d'être amoureux à quarante - c'était peut-être embarrassant mais c'était vrai. Après toutes ces années, il ressentait encore un plaisir intense à regarder le visage de sa femme."

    De la beauté, de Zadie Smith

     

    Résumé 

    Rien ne va plus pour le très britannique Howard Belsey, spécialiste de Rembrandt et gauchiste convaincu, qui végète en fin de carrière dans la petite université de Wellington, près de Boston : son épouse vénérée, l'Afro-Américaine Kiki, lui bat froid depuis qu'elle le sait coupable d'infidélité. Leur fils aîné, Jerome, s'est réfugié chez Monty Kipps, l'ennemi juré de Howard, un intellectuel anglo-antillais ultra-conservateur. Enfin, voilà que Monty lui-même débarque à Wellington comme professeur invité. Il est accompagné de sa famille et notamment de sa troublante fille Victoria. Le chassé-croisé sentimental va commencer. Tandis que fait rage un débat sur la discrimination positive, les épouses des deux rivaux se lient d'amitié, Zora Belsey s'entiche d'un jeune slammeur du ghetto, son frère Levi d'un groupe de réfugiés haïtiens...

    Chronique

    Si je devais décrire ce roman en un mot, je dirais qu'il est un véritable patchwork... mais, un patchwork très réussi.  Le nœud du roman est composé des aventures de la famille Belsey. Néanmoins, en choisissant de donner autant de place à chaque membre de celle-ci, Zadie Smith parvient à englober un grand nombre de thèmes et à les traiter avec  finesse. Selon moi, c'est à la fois une fresque familiale et une fresque sociale. D'une part, il est question des non-dits qui peuvent déchirer une famille, des tentatives adolescentes pour trouver sa voie, des difficultés adultes de poursuivre son chemin en restant en accord avec soi, des coups de canif dans les contrats de mariage, des difficultés à se comprendre alors même que l'on est d'une même famille... D'autre part, sont abordées un grand nombre de questions de société: construction de l'identité individuelle et appartenance à un groupe social établi, conflits raciaux, religieux, idéologiques, discrimination raciale, mais aussi de sexe....  En filigrane, on retrouve une question globale sur la nature de ce qui peut séparer ou au contraire rapprocher les individus. Ainsi, alors qu'Howard Belsey et Monty Kipps, tous deux universitaires spécialistes de Rembrandt, se vouent une haine sans bornes, entre jalousie et différends politiques et idéaux (le premier est un gauchiste convaincu et athée, alors que le second est un conservateur et un fervent catholique); leurs épouses respectives, que rien ne semble rapprocher, se lient d'une amitié sincère et joyeuse. Il est également question de la tendance humaine à se laisser dépasser par la recherche de la beauté et du primat de l'esthétisme dans notre société moderne.

    De la beauté tourne beaucoup autour du milieu universitaire, dans lequel enseignent les deux patriarches du roman et dans lequel étudient leurs enfants. Cependant, ce n'est pas le seul milieu dans lequel nous suivons les personnages. Kiki, la femme d'Howard, est en effet très étrangère à ce monde et s'en moque doucement. Par ailleurs, Levi, le fils cadet des Belsey, se sent plus à sa place dans la rue, entouré de réfugiés haïtiens, vendeurs de contrefaçons et rappeurs amateurs et engagés.  

    Ce roman contient finalement beaucoup de combats: les personnages luttent contre les discriminations raciales, les inégalités sociales... Ils luttent également avec et pour eux-mêmes, afin de trouver leur place dans le monde qui s'impose à eux. On retrouve notamment beaucoup de passages sur la difficulté d'être soi dans un monde où c'est une autre identité qui prévaut. Kiki, femme noire mariée à un Blanc et évoluant dans son monde à lui, exprime très bien cela:

    "Toi, tu n'as même pas remarqué, tu ne remarques jamais. Tu trouves ça normal. Partout où on va, je suis seule dans cet...océan blanc. Je ne connais pratiquement plus aucun Noir, Howie. Ma vie toute entière est blanche. Les seuls Noirs que je croise sont ceux qui nettoient sous mes pieds dns le putain de café de ta putain de fac. Ou en train de pousser un putain de lit d'hôpital dans un couloir. Je t'ai donné ma vie. Et je ne sais plus du tout pourquoi."

    Une des grandes richesses du roman est, selon moi, la richesse des personnages. Ceux-ci sont hauts en couleur et tellement vivants que l'on a l'impression de les connaître, de les voir évoluer dans cet environnement qui nous est décrit. Zadie Smith prend le temps de nous les présenter, de nous les décrire, de nous les faire aimer, un peu comme un sculpteur qui donnerait peu à peu vie à ses personnages au départ d'un bloc de matière. Cependant, les nombreuses descriptions et le fait que l'auteure prenne le temps de dérouler son récit sont peut-être également ce qui donne naissance au seul point négatif du roman: quelques longueurs qui coupent parfois le fil de la narration (le revers de la médaille?). 

    Pour terminer sur un point positif: le style de l'auteur est très personnel, très original et surtout très bigarré. Globalement, il est assez soutenu et réaliste. Cependant, à certains moments, il se fait très poétique et à d'autres très trivial, donnant lieu à des conversations très drôles (merci Kiki). 

    Bref, j'ai vraiment apprécié la lecture de ce roman, qui se déguste avec lenteur et délicatesse. Je compte d'ailleurs bientôt lire d'autres livres de cette auteure, que je vous conseille vivement ! 
     
     


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  • Commentaires

    1
    Isa
    Samedi 30 Août 2014 à 16:56

    Coucou tu me donnes envie vraiment de lire ce livre.

    Les personnages ont l'air d'être très approfondis, ce qui est de plus en plus rare à mon sens.

    J'aime beaucoup ta plume :D

    gros bisous

    2
    Samedi 30 Août 2014 à 17:13

    Superbe chronique qui me donne envie de lire ce livre que je ne connaissais pas! Je vais le mettre dans ma liste. Merci pour cette belle description! 

    3
    Samedi 30 Août 2014 à 19:34

    @Isa et Sarah: vous êtes adorables. Vos compliments me font très plaisir  ! Si vous le lisez, n'hésitez pas à me dire ce que vous en aurez penser :) 

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    4
    Dimanche 31 Août 2014 à 08:16
    Céline

    Très belle chronique donnant envie de lire ce livre, je le rajoute donc à ma wish-list ;)

    Bon dimanche !

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