• L'amant, de Marguerite Duras

    "L'histoire de ma vie n'existe pas. Ça n'existe pas. Il n'y a jamais de centre. Pas de chemin, pas de ligne. Il y a de vastes endroits où on fait croire qu'il y avait quelqu'un, ce n'est pas vrai il n'y a personne.

     

     L'amant, de Marguerite DurasRésumé

    Dans une langue pure comme son sourire de jeune fille, Marguerite Duras confie sa rencontre et sa relation avec un rentier chinois de Saigon. Dans l'Indochine coloniale de l'entre deux-guerres, la relation amoureuse entre cette jeune bachelière et cet homme déjà mûr est sublimée par un environnement extraordinaire. Dès leur rencontre sur le bac qui traverse le Mékong, on ressent l'attirance physique et la relation passionnée qui s'ensuivra, à la fois rapide comme le mouvement permanent propre au sud de l'Asie et lente comme les eaux d'un fleuve de désir. Histoire d'amour aussi improbable que magnifique, L'amant est une peinture des sentiments amoureux, ces pages sont remplies d'un amour pur et entier.

     

     

    Chronique

    L'amant ne me semble pas réellement être un roman sur l'amour, mais plutôt sur la passion, le désir, l'éveil des sens. Selon moi, ce roman a deux thèmes principaux. D'abord, il tourne autour de la relation - principalement charnelle - que la jeune Duras a entretenue avec un riche héritier chinois plus âgé qu'elle. Il aborde l'éveil (précoce?) des sens, la passion dont se consume cet homme, la douleur d'un sentiment non partagé. Ensuite (et finalement surtout?), L'amant trace le portrait de la famille de Duras et dépeint leurs relations tendues et parfois malsaines. On plonge dans cette vague de malheurs, de violence et de drames qui entoure cette famille. Le père est décédé, la mère souffre d'une dépression qui semble incurable (et la jeune Duras semble souffrir particulièrement de ne pouvoir rendre sa mère heureuse), le frère aîné a un comportement malsain et violent.

    "Ils sont doués de la même faculté de colère, de ces colères noires, meurtrières, qu'on n'a jamais vues ailleurs que chez les frères, les sœurs, les mères."

    Je pensais lire une histoire d'amour, et c'est une tragédie familiale et passionnelle que j'ai finalement découverte. Le roman est parfois très dur, très cru, dans les thèmes abordés et la façon dont ils sont abordés. Les relations familiales décrites par Duras sont assez dérangeantes. D'ailleurs, très souvent (comme dans l'extrait ci-dessus), le pronom possessif disparaît lorsqu'elle parle de sa famille, et il laisse la place à un article défini, distant comme le lien qui unit les membres de cette étrange fratrie. L'auteure parvient à faire ressentir toute l'ambiguïté de ses sentiments pour eux, entre amour et haine. 

    "Je suis encore dans cette famille, c'est là que j'habite à l'exclusion de tout autre lieu. C'est dans son aridité, sa terrible dureté, sa malfaisance que je suis le plus profondément assurée de moi-même, au plus profond de ma certitude essentielle, à savoir que plus tard j'écrirai."

    Le texte de Duras parle aussi du malaise d'une jeune adolescente à la recherche de son identité propre. L'écriture de l'auteure dépeint cela de façon très prégnante puisque à de nombreuses reprises l'auteure abandonne la première personne pour raconter son histoire à la troisième personne, comme si elle se désincarnait d'elle-même, comme si elle prenait de la distance avec cette adolescente qu'elle était et n'était pas à la fois. 

    "Très vite dans ma vie il a été trop tard. À dix-huit ans il était déjà trop tard."

    L'amant est un roman très visuel, partant de la description de photographies. L'auteure se replonge dans ses souvenirs et les livre sans artifices, sous la forme d'un récit qui ressemble beaucoup à un monologue intérieur. Le roman est d'ailleurs un long flux de paroles, de pensées, quelque peu décousu, sans division en chapitres et sans chronologie linéaire: le texte se présente sur la forme d'une fragmentation des souvenirs, avec des retours en arrière, des sauts dans le temps et des ellipses... 

    Au-delà des événements racontés, c'est clairement le style de Duras que je retiendrai de ce roman. Il fait partie des rares textes dont la beauté de l'écriture m'a conquise dès les premières lignes. Cette sensation m'a rappelée celle que je ressens toujours en lisant Beauvoir (et cher lecteur, tu sauras bientôt que ça ce n'est pas rien). Le style de Duras est à la fois épuré et poétique, doté d'une incroyable fluidité, sobre et musical à la fois, imagé et personnel. Finalement, je pense que L'amant mérite d'être lu principalement pour ce style unique avec lequel Duras a merveilleusement écrit cette petite parcelle de sa vie passée.

    Je serais heureuse d'avoir votre avis sur ce roman, alors... à vos plumes !  

     


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  • Commentaires

    1
    Mercredi 6 Août 2014 à 11:02

    Je n'ai jamais lu Duras (par contre, j'ai vu l'adaptation cinématographique de L'amant qui cite de nombreuses fois son roman), mais je trouve que ta chronique rend un très bel hommage à l'écriture ciselée de cet écrivain !

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    2
    Mercredi 6 Août 2014 à 17:02
    Céline

    Je ne l'ai pas lu mais j'ai vu de bons avis à son sujet.

    Peut-être que je le lirai un jour.

    En tout cas bravo pour cette belle chronique.

    3
    Mercredi 6 Août 2014 à 18:23

    Merci à tous les deux pour vos compliments sur ma chronique. Ca me fait vraiment plaisir ! N'hésitez pas à le lire si vous aimez les beaux textes et la langue française. Belle soirée à vous.

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