• "Mattia et elle étaient unis par un fil élastique et invisible."

     

    La solitude des nombres premiers, de Paolo Giordano

    Résumé

    Les nombres premiers ne sont divisibles que par 1 et par eux-mêmes ; soupçonneux et solitaires, certains possèdent cependant un jumeau dont ils ne sont séparés que par un nombre pair. Mattia, jeune surdoué, passionné de mathématiques, en est persuadé : il compte parmi ces nombres, et Alice, dont il fait la connaissance au lycée, ne peut être que sa jumelle. Même passé douloureux, même solitude à la fois voulue et subie, même difficulté à réduire la distance qui les isole des autres. De l'adolescence à l'âge adulte, leurs existences ne cesseront de se croiser, de s'effleurer et de s'éloigner dans l'effort d'effacer les obstacles qui les séparent. Paolo Giordano scrute avec une troublante précision les sentiments de ses personnages qui peinent à grandir et à trouver leur place dans la vie. Ces adolescents à la fois violents et fragiles, durs et tendres, brillants et désespérés continueront longtemps à nous habiter.

    Chronique 

    Ce roman est un roman sur les blessures de l'enfance, de l'adolescence, et sur les traces indélébiles que celles-ci peuvent laisser en nous. Il nous fait découvrir deux personnages aux trajectoires croisées. D'abord, Mattia, jeune adolescent - puis adulte - hanté par la disparition de sa sœur handicapée mentale dont il se sent responsable. Puis, Alice, jeune fille à la jambe gauche boiteuse depuis un accident de ski datant de son enfance et dont elle tient son père pour responsable. La solitude des nombres premiers est divisé en sept parties, qui nous font découvrir des fragments de vie de ces personnages de l'enfance à l'âge adulte (entre 1983 et 2007), avec des ellipses plus ou moins longues. 

    Le roman commence donc sur un événement de leurs enfances respectives (une disparition et une chute) dont on comprend qu'il va bouleverser leur vie à jamais, mais dont le dénouement reste en suspens. On les retrouve ensuite adolescents, dans le même lycée, où ils finiront par se rencontrer. Tous deux semblent complètement inadaptés au monde. Où est-ce le monde et les autres qui le sont? Tous deux sont hantés par cette journée d'enfance sur laquelle le lecteur n'en sait toujours pas plus. Nous découvrons petit à petit des bribes, des indices... en même temps que les personnages qui croisent la route des deux protagonistes. 

    "Les années de lycée avaient constitué une blessure ouverte, que Mattia et Alice avaient jugée trop profonde pour qu'elle cicatrise. Ils les avaient traversées, en apnée; lui, refusant le monde; elle, se sentant refusée par le monde, et ils s'étaient aperçus que cela ne faisait pas beaucoup de différence."

    C'est un roman triste, assez dur, mélancolique, écrit avec une plume incisive, précise et très fluide. Un roman poignant, qui ne laisse pas indemne. Il aborde des thèmes assez violents comme l'automutilation et l'anorexie, la violence des adolescents entre eux, l'inexorable solitude... Le lecteur suit en effet le parcours de deux écorchés vifs, qui font l'expérience d'une double solitude: solitude dans leur vie sociale (caractérisée à l'adolescence par le rejet des jeunes de leur âge) et solitude dans leur vie familiale (car, les blessures de l'enfance rendent leurs relations avec leurs proches impossibles à dénouer). Malgré ces thèmes délicats, l'auteur ne tombe jamais dans le mélodrame - et c'est sans doute la plus grande force du roman. Il donne peu d'explications sur les blessures des personnages, ne cherche pas à les juger et se positionne à une certaine distance de ces protagonistes. Cela lui permet de proposer au lecteur des pistes, de lui laisser le choix, de le laisser se questionner sur les blessures de l'enfance, de l'adolescence, sur l'incommunicabilité. Il ouvre la porte à la réflexion et c'est au lecteur de s'y engouffrer, de proposer sa lecture du roman. 

    Ce roman ne fut pas un coup de cœur pour moi, mais je suis heureuse de l'avoir lu. J'ai été prise dans l'histoire, touchée par les personnages et les thèmes abordés. Si je ressors un peu triste de cette lecture, j'en ressors également heureuse des questions qu'elle a pu susciter en moi. Avec franchise et précision, ce roman pose en effet des questions qui me semblent essentielles, humaines, intemporelles, et qui peuvent tous nous toucher. J'avoue que j'ai été déçue par la fin, mais cela est tout à fait subjectif ! Je vous recommande cette lecture. Cependant, lisez ce roman dans un bon jour, car ce n'est pas vraiment ce que l'on pourrait appeler un roman anti-déprime... 

     Avez-vous lu ce livre? Qu'en avez-vous pensé? 

    Avez-vous envie de le lire? 

    À vos plumes ! 


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  • Bonjour à tous, 

    Aujourd'hui je vous retrouve pour la présentation d'un défi que j'ai décidé de me lancer à moi-même. Sur Livraddict, il vous est possible (dans votre profil) de voir la carte des auteurs que vous avez lus. Je trouve que c'est une très chouette idée ! J'ai pu découvrir que je n'avais lu que 28 nationalités différentes, les auteurs les plus lus étant français et japonais. 

    Auto-challenge: mon tour du monde littéraire

    Forte de ce constat, j'ai décidé de me lancer dans un petit challenge: lire chaque mois un auteur d'un pays que mes pérégrinations littéraires ne m'ont pas encore fait découvrir. 

    Au mois de juillet, je vais donc partir visiter l'Inde. Je me suis  en effet rendu compte que j'avais trois auteurs indiens dans ma PAL. J'ai donc choisi de commencer mon tour du monde par .... 

    Compartiment pour dames d'Anita Nair, qui reste à quai dans ma PAL depuis bien trop longtemps... 

    Auto-challenge: mon tour du monde littéraire

    Résumé

    Un jour, Akhila décide de partir vers l'extrémité sud de l'Inde, là où se rencontrent l'océan Indien, la baie du Bengale et la mer d'Arabie, pour faire le point sur une vie qu'elle a l'impression de n'avoir pas vécue. Dans le train qui la conduit à destination, elle fait la connaissance de ses compagnes de voyage, avec lesquelles elle va partager toute une nuit l'intimité d'un compartiment pour dames. A travers leurs confidences Akhila cherche la réponse aux questions qu'elle se pose : une femme a-t-elle vraiment besoin d'un homme pour être heureuse, pour se sentir épanouie ? Comment trouver en soi la force de vivre la vie qu'on a choisie, de redevenir maîtresse de son destin ?

    Si vous avez envie d'embarquer à bord de ce challenge qui va nous faire voir du pays, n'hésitez pas ! Plus on est de fous... 

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  • Aujourd'hui, je vous retrouve pour la chronique d'un recueil de nouvelles d'une auteure japonaise dont je suis particulièrement fan: Yoko Ogawa. Je ne vous en dis pas plus sur l'auteure pour le moment, car je pense lui consacrer un article prochainement. Elle fait en effet partie de mes auteurs fétiches. 

    Tristes revanches de Yoko Ogawa

    Résumé

    Une jeune femme entre dans une pâtisserie pour acheter un gâteau d'anniversaire à son fils mort depuis longtemps.
    Dans l'arrière-boutique, une vendeuse pleure en silence. Un journaliste arrive dans un hôtel sur lequel il doit écrire un article. Dans sa chambre s'est installée une femme. Elle s'en va aussitôt mais ne quitte pas les abords de l'hôtel. Elle rôde en portant un curieux fardeau. Une maroquinière confectionne pour une chanteuse de bar un sac délicat et précieux dans lequel la belle va déposer son cœur, cette étrange excroissance placée non pas à l'intérieur mais à l'extérieur de sa cage thoracique...
    Dans chacune de ces onze nouvelles, un détail, parfois infime, évoque la précédente ou annonce la suivante pour former une spirale, une chaîne soutenant la trame du livre et créant ainsi une subtile mise en abyme.

    Chronique

    Grande amatrice de romans, je lis plus rarement des nouvelles, car je trouve que le lecteur n'a pas vraiment le temps d'entrer dans l'histoire. De plus, il m'est souvent arrivé de m'attacher aux personnages d'une nouvelle et de me sentir frustrée, car le voyage en leur compagnie se terminait trop vite à mon goût... Tristes revanches de Yoko Ogawa est pourtant un recueil de nouvelles qui m'a enchantée du début à la fin. Selon moi, c'est notamment parce que l'auteure parvient à déjouer tous les pièges de ce genre littéraire. En effet, Yoko Ogawa parvient à faire entrer le lecteur dans ses nouvelles après seulement quelques lignes, voire même au cours de la première ligne. La magie opère à chaque début de nouvelle. Et, une fois la nouvelle terminée, vous n'avez qu'une envie: tourner la page et vous replonger dans cet univers onirique, étrange et poétique. De plus, chaque nouvelle est liée à la précédente et à la suivante par un petit détail, un élément-clé, un clin d’œil. Déceler ces détails devient vite un jeu pour le lecteur et facilite le passage d'une nouvelle à une autre. 

    Tristes revanches contient 11 nouvelles (d'une vingtaine de pages chacune), qui sont à mon sens 11 petits bijoux. Les histoires que l'on y découvre sont toutes très originales, très abouties et relèvent d'un univers unique et spécifique à l'auteure dont on ne peut pas (à mon sens) nier le talent d'écrivain. Parvenir à tisser des histoires aussi prenantes, complètes et originales en si peu de pages me semble en effet constituer une certaine prouesse narrative. Yoko Ogawa démontre vraiment un sens parfait de la construction du récit.

    Le recueil nous propose donc 11 nouvelles distinctes, mais liées les unes aux autres, et s'inscrivant dans un univers assez similaire: ce qui permet également de lire ce recueil comme un tout. Ces nouvelles flirtent en effet avec l'univers fantastique, sans y plonger réellement. Elles proposent un savant mélange entre monde réel et étrangeté. Le lecteur se retrouve comme sur un fil entre la réalité qu'il connait et qu'il peut appréhender et les divagations oniriques (et plutôt sombres) de l'auteure. Mais, rassurez-vous, Yoko Ogawa est une tisseuse experte et vous ne risquez pas de tomber en vous promenant le long du fil de ses récits... Vous risquez seulement de tomber irrémédiablement amoureux du style de cette auteure: et c'est tout le mal que je vous souhaite ! 

    Vous l'aurez compris: je suis enchantée par cette lecture. Notez que la nouvelle "La vieille femme J" est ma préférée et me laisse un souvenir indélébile. Je vous conseille donc vivement de vous procurer ce livre, de vous installer confortablement, avec un bon thé (japonais bien sûr) et de dévorer ce magnifique recueil. 

    Alors, envie de découvrir ce livre? Avez-vous déjà lu Yoko Ogawa? Si oui, avez-vous apprécié votre lecture?


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  •  Je vous retrouve aujourd'hui pour la chronique d'un livre qui a été pour moi un vrai coup de cœur inattendu et l'occasion d'une belle découverte d'un auteur que je compte bien relire !  

    La maison du sommeil de Jonathan Coe

    Résumé 

    Dans l'Angleterre des années 80, Ashdown sur la côte est une grande bâtisse gothique quelque peu inquiétante qui sert de résidence à des étudiants, une galerie de personnages bien fêlés. Sarah est une jeune narcoleptique, elle tombe endormie à tout bout de champ. Gregory est étudiant en médecine qui n'a d'autre plaisir que de masser les globes oculaires de sa copine. Robert, un amoureux transi qui éprouve un sérieux problème vis à vis de sa pilosité, Terry, un cinéphile à demi morbide, Veronica, une âme passionnée, leader féministe et homosexuelle. Dix ans après tout ce petit monde entré dans l'âge bien mûr se retrouve dans ce même endroit devenu une clinique spécialisée dans les troubles du sommeil. A sa tête un sombre savant se livre à des expériences bizarres sur ses patients. La rumeur parle déjà d'un cadavre à cause de ses recherches. Ce livre n'est pas un roman policier mais un livre à tiroirs dans lequel critique sociale et politique, réflexions sur le sommeil, la sexualité, l'amour, opinions sur la psychanalyse ou sur une certaine critique cinématographique se juxtaposent avec un humour décapant. Ce livre a reçu le prix Médicis Etranger 1998.

    Chronique

    J'avais très souvent entendu parler de Jonathan Coe, très souvent vu son roman Testament à l'anglaise dans les rayons de mes librairies préférées, chez des amis... sans jamais être tentée de le lire. Cependant, alors que je me promenais chez un bouquiniste bruxellois avec une amie aussi férue de littérature que moi, celle-ci m'a conseillé cet auteur. Ayant une complète confiance en ses goûts littéraires, j'ai embarqué deux romans de Coe: Bienvenue au club et La maison du sommeil. Je l'en remercie, car ce dernier a été un réel plaisir de lecture ! 

    Comme vous l'aurez compris dans le résumé, le roman se construit autour d'une temporalité fragmentée: les chapitres impairs se déroulent dans les années 1983-1984, alors que les protagonistes sont étudiants et résident à Ashdown, et les chapitres pairs se déroulent en juin 1996, alors que la résidence universitaire est devenue une clinique du sommeil et que chaque personne mène non sans mal sa vie d'adulte. Cependant, cette fragmentation temporelle ne rend pas du tout la lecture compliquée, le lecteur s'habitue très vite à celle-ci et elle permet aussi d'augmenter le suspens. 

    Ce qui est également remarquable dans ce roman c'est le fait que le lecteur est très très vite happé par l'histoire. Après quelques pages seulement, j'étais entrée dans le roman et je n'avais plus envie de le lâcher ! Je l'ai finalement terminé assez vite et à aucun moment je n'ai trouvé de longueurs ni d'éléments inutiles. La lecture se fait de façon très fluide. L'écriture de Jonathan Coe est une écriture de qualité, sans être sibylline pour autant. 

    Quant à l'histoire... Il est assez difficile d'en résumer toutes les facettes. Ce sont plusieurs destins qui se croisent, s'entremêlent. Les rapports entre les personnages, les lieux, les époques, se découvrent peu à peu et nous réservent quelques surprises ! Le roman m'a vraiment tenue en haleine et j'ai été baladée par l'auteur jusqu'au dénouement final, qui est pour moi très intéressant et bien construit. 

    Bref, je vous conseille vivement ce roman ! 

    Et vous, l'avez-vous lu? L'avez-vous adoré, détesté, abandonné? 

     


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  • Nous voilà déjà à la fin du mois de juin, c'est donc le moment de partager avec vous les livres que j'ai découverts durant ce mois. 

    J'ai commencé le mois avec un petit roman japonais, à l'univers onirique et intriguant. Une lecture que je vous conseille vivement: vous verrez, vous vous laisserez porter par Le convoi de l'eau d'Akira Yoshimura (aux éditions Babel). 

    Mes lectures du mois de juin     Mes lectures du mois de juin

    Ensuite, j'ai lu avec grand plaisir un classique de la littérature américaine: Gatbsy le magnifique de F. Scott Fitzgerald (chez Folio). Ca faisait très longtemps que je voulais lire ce livre et j'en attendais donc beaucoup... Eh bien, je n'ai pas du tout été déçue. Je suis entrée très rapidement dans l'histoire, dans cet univers de faste, d'insouciance, mais aussi de désenchantement. J'ai beaucoup aimé plonger dans les années 20, période qui nous fait tous un peu rêver, je pense. Par ailleurs, le style de l'auteur est très élégant, mais néanmoins très fluide. Bref, encore une lecture que je vous conseille vivement.

    D'ailleurs, avez-vous vu le film? L'avez-vous aimé?  

    Mes lectures du mois de juin

    Ensuite, j'ai lu Demain j'arrête, de Gilles Legardinier que j'ai a-d-o-r-é et dont je vous parlais ici.

    Après cette lecture légère, je me suis lancée dans La maison du sommeil de Jonathan Coe (chez Folio), un auteur anglais que je connaissais de nom, mais que je n'avais jamais été tentée de lire... jusqu'à ce qu'une amie me le conseille. J'ai beaucoup aimé ce roman. Je ne vous en dis pas plus, car la chronique arrivera très bientôt sur le blog. 

    Mes lectures du mois de juin    Mes lectures du mois de juin

     

    Après ces quatre romans, j'ai lu Tristes revanches de Yoko Ogawa (éditions Babel), une auteure japonaise dont je suis de plus en plus fan. Il s'agit d'un recueil de nouvelles absolument remarquable à mon sens. Je compte donc également en faire une chronique très prochainement.  

    Vous l'aurez compris, le bilan lectures du mois de juin est excellent. J'ai en effet adoré chacune des lectures de ce mois. J'espère que les livres du mois de juillet me raviront autant.

    Je vous souhaite d'excellents moments de lecture ! A bientôt sur le blog.

     


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